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Virtual Reality

2022-06-04 Le temps réel comme liant… Réticulations – Dijon, France

Colloque RéticulationS, Art et Science du mouvement en environnement numérique

Colloque & performance le vendredi 3 juin 2022 espace Marey, campus Dijon
– Colloque de 10h à 12h30 puis de 14h30 à 16h30 dans la salle R16 UFR STAPS de Dijon
– Performance danse-art visuel interactif à 17H dans l’espace Marey

Ouvert à tous, entrée libre. Réservation recommandée

Présentation sur le temps réel comme liant entre spectateurs, artistes et commissaires en contexte de résidence de création-exposition

VIDEO : https://mediaserveur.u-bourgogne.fr/videos/art-et-technologie-de-limage-virtuelle-jean-francois-jego/

Mots clés : Création, temps réel, improvisation, exposition, autopoïèse, résonance

De tout temps, l’art s’est emparé des techniques pour explorer de nouveaux espaces et médiums de création. Dans cette continuité, le numérique, depuis son avènement à la seconde moitié du 21e siècle, offre un potentiel plastique double notamment permis par le traitement du calcul en temps réel : il propose au sens artistique un véritable moyen d’expression participatif et permets une certaine versatilité de mise en œuvre. Nous proposons d’explorer le potentiel du temps réel en contexte de création et de réception à travers l’analyse d’une résidence de création collective suivie d’une exposition des œuvres produites.

Revenons tout d’abord sur deux propriétés singulières permises par les technologies temps réel : la possibilité d’être immergé et d’interagir avec du contenu, dans notre cas principalement avec l’image. Les deux termes d’immersion et d’interaction sont communément admis par la communauté scientifique (Fuchs et al., 2006) pour caractériser notamment des expériences temps réel comme la réalité virtuelle ou la réalité augmentée. Leurs mises en œuvre héritent de la boucle cybernétique de couplage entre l’homme et la machine comme défini dans les années 2000 par un large consensus scientifique. Il s’agit ainsi « de permettre à une personne, ou à plusieurs, une activité sensorimotrice et cognitive dans un environnement, créé numériquement », complètement artificiel dans le cas de la réalité virtuelle ou un nouvel espace hybridant réel et virtuel dans le cas de la réalité augmentée. L’enjeu reste de permettre des activités fonctionnelles et émotionnelles pour le participant. Bien que ces modèles reposent sur des concepts théoriques plutôt anciens, ils constituent toujours un cadre de référence inspirant pour la conception et l’analyse des créations et de leurs réceptions.

Pour illustrer l’aspect pratique de la plasticité du temps réel, nous détaillons ici deux expériences collectives menées par quatre enseignants-chercheurs de l’équipe INREV-AIAC de l’Université Paris 8 avec une trentaine d’étudiants français et taiwanais. Deux résidences-expositions organisées sous la forme d’improvisation collective (jam-sessions) articulant pédagogies et recherche ont été réalisées en janvier 2020 à la galerie d’Art de l’université NTHU à Taiwan et juillet 2021 dans le festival international d’art numérique RectoVRso à Laval en France. Les enjeux pour les jeunes artistes sont d’explorer et d’hybrider les technologies émergentes et leur utilisation comme matière pour des productions artistiques ; de questionner les esthétiques par la pratique artistique et le détournement des technologies pour expérimenter l’interactivité et l’immersion en situation d’improvisation ; et enfin d’encourager l’esprit d’initiative et d’innovation et enfin d’adopter sur une semaine intensive une démarche de recherche-création.

Les technologies mises en œuvre sont propres aux moteurs temps réel (2D, 3D, jeu vidéo…) et aux capteurs/actuateurs permettant la création d’œuvres immersives et interactives par prototypage rapide et par des méthodes de créativité en groupe et de conception transdisciplinaire. Elles intègrent des brainstorm et bodystorm collectifs, une pratique de « game jam » où chacun présente à tour de rôle ce qu’il souhaite créer et ses compétences artistico-techniques. Les groupes sont constitués par affinités d’idées de créations et complémentarité. Chaque résidence de création a lieu pendant quatre jours, in situ dans les lieux d’exposition. L’analyse du processus de création s’est faite par un recueil des données tout au long de la création : interviews, photos, captures d’écrans et vidéos.

Lors de chacune des deux résidences, six œuvres interactives ont été produites dont des installations, des performances, des jeux vidéo, avec forte diversité des médiums technologiques employés. Dans la résidence de 2020 à l’Université NTHU à Taiwan, fait remarquable, chaque groupe s’est approprié un médium artistique interactif différent et en a exploité la spécificité : casque de réalité virtuelle ; réalité augmentée avec tablette ; projection sur visage humain ou bâtiments ; art numérique utilisant avec la flore locale comme interface d’interaction ; caméra de profondeur pour la captation multi-utilisateur ; périphérique MIDI pour la performance. Cela s’est fait dans un temps record, malgré le peu d’expérience préalable. La résidence 2021 se déroulant dans un bâtiment historique de la ville de Laval (cloitre d’un monastère du 17e siècle et une chapelle désacralisée), le patrimoine a fortement inspiré les groupes étudiants qui ont proposé de créer une certaine continuité entre les œuvres, les faisant habiter et cohabiter avec cet espace et revisitant son histoire. Cela a produit des installations interactives exposées en extérieur et référent au contexte patrimonial. Dans ce cas particulier, les étudiants-artistes endossèrent implicitement le rôle de commissaire d’exposition.

À propos du commissariat d’exposition, celui-ci a été géré par les enseignants-chercheurs encadrants en dialoguant en direct avec les participants et en veillant à tenir compte au maximum des besoins logistiques et de médiation de chaque équipe ainsi que de la circulation du public extérieur. Deux catalogues d’exposition et les cartels des œuvres ont été rédigés grâce à des outils collaboratifs de rédaction en ligne et temps réel eux aussi. Ces catalogues mis en ligne pour l’ouverture étaient accessibles par QR Code imprimés le jour de l’exposition et adossés aux cartels des œuvres. L’ouverture de l’exposition en fin de résidence à Taiwan s’est déroulée la dernière journée pour les publics internes et externes de l’université NTHU. En France, l’exposition finale était ouverte aux participants du festival, mais aussi au grand public. Les étudiants artistes faisant la médiation de leurs propres installations ou performances.

Les publics étant très diversifiés en termes de cultures (orient ou occident), d’âge (visiteurs adultes ou familles avec enfants) et de contexte (professionnels ou personnels). Nous avons observé que les œuvres interactives ont un potentiel d’attraction certain, l’image étant réactive. Les participants n’interagissant pas ou pas encore peuvent toujours observer les autres participants en action avec les œuvres. Par effet de contagion, les participants suivants appréhendent plus facilement les dispositifs, la médiation devenant quasi secondaire. La participation semble ainsi se faire par différents moyens d’accès à la mesure de chacun, du peu au très immersif, du peu au très interactif. De ces observations, se pose la question de l’engagement émotionnel : est-il dépendant « hiérarchiquement » de l’engagement cognitif et sensori-moteur suivant le modèle 3I2 de (Fuchs et al, 2006). Une autre piste analytique serait celle de la résonance à plusieurs niveaux : intra-personnelle, inter-personnelle et collective comme décrites par (Jégo et al. 2020). Enfin, pour le commissaire, le temps réel amène à de nouvelles pratiques de co-construction de la scénographie et du discours. Ceux-ci émergent de la collaboration synchronisée avec les artistes en création et cela, en direct. Ce microsystème renvoie à la notion d’autopoïèse telle qu’on la retrouve chez (Varela et al. 1989), le commissaire devant maintenir l’organisation, tel un chef d’orchestre, malgré les changements permanents. Peut-être est-ce cette caractéristique du temps réel qui en fait un véritable liant, accessible, entre spectateurs, artistes et commissaires dans les différentes étapes du continuum création-réception de l’œuvre ?